Réinventer la tournée en milieu rural
Comptabilité hasardeuse, charge de gazole exorbitante, marge faible : la tournée n'est plus rentable. Comment sauver ce service de proximité en zone rurale ?
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Dans les campagnes, la livraison de pain à domicile bat de l'aile. Elle se maintient souvent « vaille que vaille » par des artisans soucieux de garder ce service pour une population avec qui un lien étroit a été tissé au fil des ans.
Mais la tournée est souvent abandonnée après un changement de propriétaire. Aussi le chiffre d'affaires des fournitures extérieures est-il difficilement valorisable lors de la revente du fonds.
Gestion rationnelle
En Haute-Savoie, Myriam Varet travaille à son compte depuis quatre ans pour un boulanger de Faverges (Haute-Savoie) en prenant à sa charge la tournée dans les villages à l'entour, week-ends et jours fériés compris.
Même si le projet est pertinent, elle reconnaît que l'activité n'est plus rentable aujourd'hui à cause du prix du carburant (elle touche le RSA pour compléter ses revenus).
« J'achète le pain à 75 % du prix vendu par l'artisan et je le revends à peine plus cher que le prix magasin (1,10 euro la baguette). Si je monte trop les tarifs, les gens ne me suivent plus. Même avec de la viennoiserie et de la petite épicerie, ça ne suffit pas. On m'a conseillé d'arrêter, mais je m'accroche. Il y a certainement moyen de faire mieux ! », explique-telle, loin de vouloir baisser les bras.
Difficile d'abandonner totalement le service, la relation de proximité avec la population étant un atout majeur à conserver. Faire appel à des personnes en insertion ou à la retraite pour le portage à domicile est une idée intéressante ; le régime de l'auto-entrepreneur facilite bien des choses. Les communes doivent être en mesure de soutenir financièrement ces initiatives qui relèvent du bien commun.
Une activité de portage multiservice élargie à d'autres produits de première nécessité est aussi un axe de réflexion. Des systèmes informatiques embarqués (type Gophim) permettent aujourd'hui d'optimiser et de fiabiliser la gestion multi-clients à paiement mensualisé.
Dans tous les cas, recentrer les circuits s'avère aujourd'hui indispensable, quitte à trouver une solution avec les clients isolés (moyennant par exemple un supplément pour la livraison).
Augmenter les ventes additionnelles sur des produits à plus forte marge (pains spéciaux, viennoiseries, biscuits, pâtisseries de voyage...) est aussi certainement la première chose à mettre en place. Parfois, un simple changement de cap dans la qualité et la conservation du pain (de tradition !) change bien des choses.
« Pour vendre en Amap,il faut être transparent,livrer personnellement ses produitset rester dans l'espritde l'agriculture paysanne. »
Marché conclu
Livrer des « dépôts de pain » centralisés est aussi une façon d'approvisionner les villages et hameaux reculés. Le système recrée du lien social et favorise la solidarité entre habitants.
Grégory Bancel, un jeune boulanger bio installé à Peyrins, près de Romans- sur-Isère (Drôme), n'a pas de magasin. Il cuit quatre jours par semaine (dans un ancien camion militaire aménagé en fournil !) et, le reste du temps, il fait sa « tournée » : des magasins bio, des Amap (association pour le maintien d'une agriculture paysanne), des fermes et autres lieux de vente directe de produits locaux et bio.
Le pain au levain cuit au bois (semi-complet, intégral, aux graines...) constitue la base de son offre. Les spéciaux « de saison » qu'il invente chaque semaine sont très attendus. Le « petit épeautre » (pauvre en gluten) marche fort en magasins bio.
Après un an d'activité, il est dans les clous par rapport à son prévisionnel. « La fourniture des Amap est intéressante surtout que l'approvisionnement en farines locales ou bio n'est pas une obligation. L'intérêt est que les livraisons sont concentrées en un lieu. Les gens s'engagent pour un an et paient d'avance en début de mois. Je sais donc que tel jour, j'ai telle quantité à livrer », précise-t-il.
Son chiffre d'affaires a encore progressé avec la gamme de biscuits qu'il vient de lancer… Délaisser la tournée au profit des marchés locaux, beaucoup plus rentables, permet d'entretenir un autre lien avec son territoire. C'est aussi un moyen de multiplier à moindre frais ses points de vente là où il y a du passage.
Seule contrainte technique pour tous ces systèmes de vente mobiles : la conservation du pain. La gamme rustique (à croûte épaisse et/ou à mie dense) tolère bien les aléas atmosphériques et a l'avantage d'être cohérente avec l'image de « petit producteur ».
par Armand Tandeau (publié le 20 juin 2011)
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